Sites internet de petites annonces : les aspects juridiques

E-commerce 7260 Vues

Quelles sont les obligations légales dans les sites de petites annonces ? Quelles sont les responsabilités, s'agissant du vendeur professionnel et du vendeur particulier opérant sur une plateforme de petites annonces ? L'éditeur du site est-il responsable ?
Sites internet de petites annonces : les aspects juridiques

Avant l’apparition d'internet vers le milieu des années 90, les particuliers avaient recours aux petites annonces publiées dans les journaux ou magasines locaux pour vendre leurs biens d’occasion. Cette méthode, aujourd’hui dépassée, sauf pour certains biens spécialisés (objets sophistiqués, rares, etc.) a fait place à la vente sur internet. Les particuliers n’hésitent donc plus à publier leurs petites annonces sur des sites prévus à cet effet (eBay, LeBonCoin, etc..). Ce vecteur ne présente que des avantages par rapport à l’ancienne méthode de la publication papier. Ces avantages sont la simplicité, la gratuité et la possibilité d’atteindre un plus grand nombre de personnes susceptibles d’être intéressées par le bien vendu.

De fait, les particuliers s’en donnent à cœur joie et proposent à la vente une multitude d’objets aussi variés que farfelus, allant de la paire de chaussures usagées à la BMW dernier modèle. L’apparition de sites de courtage aux enchères et d’autres comme Leboncoin.fr favorise cette frénésie. A tel point d’ailleurs qu’il existe aujourd’hui un marché de l’occasion pour chaque type de biens susceptibles de receler une valeur économique, si minime soit-elle.  C’est ainsi par exemple qu’une publicité pendant les fêtes de noël proposait aux particuliers de revendre immédiatement en ligne les cadeaux de Noël qu’ils n’ont pas trouvé réjouissants (PriceMinister.com). Certains phénomènes ont considérablement amplifié les petites annonces sur internet. Ainsi, la crise économique a conduit les particuliers à mettre en vente différents biens afin de dégager un supplément de revenus. De même, le retour du « tout écologie » et le goût pour les biens recyclés ont multiplié le nombre de petites annonces sur internet.

Petites annonces sur internet et obligations légales

Face à cet engouement pour les petites annonces, suscité par l’espérance de faire des petites affaires ou simplement par la commodité de se débarrasser à bon frais d’un bien dont on a plus l’utilité, en cas de contentieux, les tribunaux appliquent les règles générales de la vente et des obligations contractuelles. Les règles du droit de la consommation sont applicables également si le vendeur est un professionnel. Ce qui peut être le cas des petits commerçants qui publient des petites annonces de vente de produits d’occasion restaurés.

Quelle responsabilité pour le vendeur particulier ?

S’agissant des petites annonces qui ne font intervenir que des consommateurs (consumer to consumer, particulier à particulier en français), il y a lieu en principe d’appliquer les règles du droit commun (le droit civil), sauf pour le juge à appliquer de manière ponctuelle telle ou telle disposition du Code de consommation.

Mais depuis la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui a fourni une définition du commerce électronique prenant en considération certaines pratiques du e-commerce, le particulier est soumis à des obligations identiques que celles du fournisseur professionnel. En effet, l’article 14 de cette loi, dispose que :

Le commerce électronique est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique, la fourniture de biens et services.

En employant le mot « personne » le législateur a entendu assimiler le particulier au professionnel. L’un comme l’autre ont à leur charge diverses obligations à l’égard de l’acheteur-consommateur. Ainsi, l’un et l’autre supportent une obligation d’identification, une obligation d’énoncer des prix transparents. C’est sans doute ce qui explique la politique d’eBay selon laquelle, un vendeur qui souhaite user de l’espace petites annonces doit prodiguer certaines informations sur le produit.

Il est permis de s’interroger sur l’applicabilité ou non de la responsabilité de plein droit du vendeur particulier sur internet. Rappelons préalablement qu’une responsabilité de plein droit est une responsabilité dans laquelle l’acheteur n’a pas à apporter la preuve d’un manquement du vendeur. Celui-ci est d’office responsable sauf à mettre en avant une cause étrangère exonératoire. Concernant l’applicabilité de cette responsabilité, l’article L221-15 du Code de la consommation prévoit en effet que :

Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance.

A priori, ce texte ne devrait pas s’appliquer au particulier qui vend un bien par petites annonces puisqu’il fait directement référence au « professionnel ». Par ailleurs, l’article 15 de la loi du 21 juin 2004 prévoit la responsabilité de plein droit à l’égard de l’acheteur de toute personne physique ou morale exerçant une activité de commerce électronique. Cette fois-ci l’expression « toute personne physique » invite à y inclure le particulier.

Il ressort de la confrontation de ces deux derniers textes que le vendeur-particulier, dès lors qu’il intervient dans le commerce électronique (qui fait partie de l’ensemble plus vaste que constitue les ventes à distance), pèse sur lui une responsabilité de plein droit de la bonne exécution des obligations contractuelles.

Une responsabilité de plein droit à nuancer

Mais il semble difficile d’imaginer en pratique que devant le juge de proximité, juge qui en principe s’occupe des petits litiges liés au droit de la consommation, le particulier soit soumis à une responsabilité de plein droit. Il est normal pour le juge de mettre les arguments sur la balance du contradictoire et de forger son jugement à la lumière des comportements, attentes et déceptions des plaideurs, même lorsqu’il s’agit d’un contrat passé électroniquement et relevant donc de la loi du 21 juin 2004.

Il faut noter par ailleurs que le particulier qui propose la vente d’un bien par le canal des petites annonces sur internet est dispensé de certaines obligations qui sont spécifiques au fournisseur professionnel. Il en va ainsi des conditions contractuelles. L’article 1126 du Code civil dispose en effet que seul celui qui propose à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens doit mettre à disposition les conditions contractuelles applicables afin de permettre leur conservation et leur reproduction.

Contenu des petites annonces en ligne et responsabilité de l'hébergeur

Le vendeur particulier n’est pas seul responsable du contenu de sa petite annonce, l’éditeur, l’hébergeur donc, qui publie la petite annonce du particulier peut aussi engager sa propre responsabilité. C’est la raison pour laquelle, de nombreux sites tels celui d’eBay, comportent un luxe d’informations relatives aux interdictions de certains biens et aux limites d’utilisation des petites annonces. Il est permis de dire qu’il existe une co-responsabilité lorsque que par exemple un particulier met en ligne une petite annonce en violation des règles d’ordre public (annonces choquantes ou chose vendue hors du commerce etc...). Le particulier sera responsable en vertu des lois pénales (violation des bonnes mœurs etc..) et l’hébergeur le sera également pour avoir autorisé ou omis d’interdire une telle publication.

Dans un arrêt du 10 juin 2004 (n° 02-19.600), la 2ème Chambre Civile de la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui avait refusé de prononcer la responsabilité de la « Centrale des particuliers » ayant publié une petite annonce fallacieuse d’un particulier à propos de la vente d’un véhicule. En l’espèce il s’agissait d’une publication non pas sur internet mais sur papier. Cependant le professeur Monsieur Stoffel-Munck estime que cette solution est transposable à l’hébergeur internet.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a considéré qu’il appartenait à celui qui transmet une information en provenance de tiers, de vérifier la véracité de celle-ci. Pour ce faire, la Cour a analysé les conditions générales de vente de la société en cause et y a relevé que celle-ci s’était engagée à assurer le contrôle des petites annonces. Ayant manqué à cette obligation, il était naturel qu’elle réponde de ce manquement. La Cour énonce :

Au regard des documents contractuels, la société, en laissant paraître une annonce comportant des mentions erronées sur le nombre des immatriculations antérieures et désignant un véhicule qui avait été gravement accidenté, avait commis une faute.

 
Obtenez un devis en 24 heures par nos avocats
Prestation demandée :
Pays ou organisation :
Type de contrat :
Votre besoin :
Votre besoin :
Votre besoin :
Vos informations :

* : champs obligatoires

Lectures en lien
une application de messagerie avec des notifications
Donnees personnelles 1935 Vues

La Cour de cassation a surprit le monde du numérique, en reconnaissant à une banque, en 2018, la possibilité de s’exonérer de son obligation de rembourser les internautes victimes de phishing. La plus grande vigilance s’impose donc à ces derniers.

Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 5735 Vues

Quelles sont les conditions d'obtention de l'agrément de l'Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL), devenue Autorité Nationale des Jeux (ANJ), permettant de proposer des jeux de hasard payants ?

soleil couchant prit d'un hublot d'avion duquel on voit l'aile
Ecommerce 2604 Vues

Quiconque a déjà réservé des billets de train ou d’avion sur internet s’est vu proposer une assurance annulation, destinée à obtenir indemnisation en cas d’imprévu empêchant le départ. Le site Lastminute.com s’est vu reprocher, sur ce point, des abus.

une personne entrain de faire du parapente avec un soleil couchant
Ecommerce 2486 Vues

Quelles sont les responsabilités juridiques des différents intervenants dans les offres de type coffrets smartbox ? Analyse de l'évolution législative et de l'apport des différentes réformes en la matière.

Bâtiment blanc et orange, d'une architecture moderne
Contrats 4902 Vues

Qu'est-ce que la garantie décennale ? Quand s'applique t-elle ? Dans quels cas la garantie biennale est vouée à s'appliquer ? Analyse des garanties dans le domaine de la construction : distinction entre menus ouvrages et gros ouvrages, notion de vices non-apparents, etc.

Un homme réalisant des achats sur Internet
Ecommerce 4943 Vues

Quelles sont les règles juridiques régissant les fraudes à la carte bancaire ? Quelles sont les responsabilités et les conditions de remboursement de chacun des intervenants (consommateur, commerçant et banque) en cas de fraude ?

Des colis entassés dans une camionnette
Ecommerce 3352 Vues

Qu'est-ce qu'un réseau de distribution sélective ? Interdire la commercialisation de produits sur internet aux distributeurs non-agréés est-il constitutif d'une atteinte au principe de libre concurrence ? Analyse de cette problématique juridique.

téléphone sur lequel il y a des conversations à lire
Ecommerce 1952 Vues

Par un arrêt en date du 7 novembre 2017, la Cour de cassation a estimé que la mise à disposition aux internautes d’une passerelle informatique « WebIRC » constituait un délit d’entente.

enseigne rouge sur laquelle il est écrit "internet @"
Donnees personnelles 1949 Vues

Le cybersquatting peut sembler une bonne idée pour celui qui décide de s’y adonner. Prenant deux formes distinctes, il ne mène toutefois, le plus souvent, à rien, au grand dam des squatteurs.

un sac sur lequel est accroché un masque d'anonymous
Donnees personnelles 2763 Vues

Les cyberattaques, qui frappent de nombreux sites internet, visent tant les particuliers que les entreprises. On estime à plus d’un milliard le nombre de cyberattaques en 2018, un chiffre qui a progressé de 32 % en un an.

rue couverte de panneaux publicitaires
Ecommerce 2111 Vues

En 2016, Google annonçait avoir supprimé 1,7 milliard de publicités mensongères, illégales ou trompeuses, soit deux fois plus qu’en 2015. Elles étaient 3,2 milliards en 2017, soit l’équivalent de 100 publicités par seconde, contre 2,3 milliards en 2018.