C’est donc pour cette raison que le Code de la propriété intellectuelle refuse la protection de toute marque ayant pour signe un terme générique (article L711-2 du Code de propriété intellectuelle).
L’interdiction d’avoir recours à des termes génériques à titre de marque pour désigner des produits ou services permet ainsi aux différents intervenants économiques de disposer d’un signe distinctif. C’est grâce à ce signe distinctif que le consommateur pourra identifier l’origine des produits de même nature.
Notion et exemples de termes génériques
L’article L711-2 du CPI définit la marque générique comme celle qui dans le langage courant ou professionnel est exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service. Pour apprécier le caractère générique du terme il faut se placer par rapport à un public entendu de manière très large, c’est-à -dire le grand public, et non pas un public spécialisé.
Les termes qui sont nécessaires pour désigner dans la vie courante les produits ou services ne peuvent pas faire l’objet d’un enregistrement à titre de marque. La sanction est en principe la nullité soit par l’INPI, soit par un commerçant à l’occasion d’un contentieux. Il en est de même des termes usuels, c’est-à -dire de ceux qui sont communément utilisés pour désigner de manière rapide et courante les produits : « bécane » pour une moto.
Le terme générique, auparavant utilisé par l’article L711-2 du CPI, est un terme général et pratique pour insister sur l’interdiction d’utiliser à titre de marque des mots désignant, non pas le produit lui-même mais la catégorie ou le genre auquel appartient le produit. La formulation de cet article a depuis changé, mais le principe reste le même :
Ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls :
[...]
4° Une marque composée exclusivement d'éléments ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;
Ainsi, le signe imprimante à titre de marque ne pourrait pas en principe être enregistré car il sert à désigner la catégorie de produits que sont les imprimantes en général.
Pour déterminer si le terme est ou non générique il faut se placer à la date de son dépôt. Cette règle a son importance car il peut arriver qu’en raison de certaines évolutions le terme soit devenu très courant. La marque restera valable malgré ce passage du mot à la banalité puisque c’est la date d’enregistrement qui importe. Ainsi, la marque Frigidaire gardera son caractère distinctif bien que le mot « frigidaire » soit devenu très courant.
De plus en plus aujourd’hui les commerçants ont recours à des mots étrangers pour le choix de leur marque, afin notamment de donner un côté moderne et international à leurs produits ou services. Mais là aussi, il existe des règles à respecter et que les tribunaux ont dégagées au fil des contentieux.
Ainsi, la territorialité de la marque invite à apprécier le caractère distinctif sur le territoire français ou communautaire. Un terme courant anglais utilisé en France à titre de marque doit s’apprécier non pas par rapport au pays d’origine mais en fonction de la manière dont ce terme est compris par le public.
A titre d’exemple, pour apprécier le caractère générique ou non du terme anglais « Supermint », adopté à titre de marque par une société, il convient de vérifier quel degré de connaissance a le public français de ce terme. En l’espèce la cour d’appel avait considéré que le terme était générique et donc non susceptible d’être protégé en tant que marque.
Les tribunaux admettent aussi à titre de marque des termes constituant des néologismes. Ainsi, le terme « alcotest » a été admis car il reste assez éloigné des termes génériques dont il a été formé, « alcool » et « test ».
Les tribunaux tolèrent également qu’un usage prolongé d’un signe apposé sur des produits ou services puisse donner lieu à un enregistrement à titre de marque. Il ne s’agit pas d’un droit à la disposition du commerçant mais d’une simple faculté laissée à la libre appréciation du juge. Le droit sera accordé lorsque par exemple il existe plusieurs indices qui témoignent de l’importance acquise par le signe dans le commerce. Nous ne sommes pas loin dans ce cas de la notion de « notoriété ».
La notoriété de marque, le cas de vente-privée.com
L’utilisation d’un terme générique à titre de marque pour désigner des produits ou services ne peut jamais d’emblée faire l’objet d’un enregistrement. Un commerçant ne pourra dès lors pas faire valoir l’usage illicite de ce terme par un concurrent.
Néanmoins, le droit de la propriété industrielle fait preuve d’un certain réalisme, très approprié dans le monde des affaires, puisqu’il admet que la notoriété d’un signe, même lorsqu’il n’a pas fait l’objet d’un enregistrement peut prétendre à une protection minimum.
Celui qui utilise ce signe de manière notoire peut faire interdire l’enregistrement par un concurrent de ce signe auprès de l’INPI (article L711-3 du Code de la propriété intellectuelle). Cependant, l’action en contrefaçon est impossible dans la mesure où aucun droit n’est officiellement accordé sur ce signe.
Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ; [...]
Dans des situations exceptionnelles, l’INPI peut accorder à un commerçant dont le signe a acquis une certaine notoriété, un droit d’enregistrer son signe à titre de marque alors même qu’il s’agit d’un terme générique.
C’est précisément le cas du site internet « vente-privée.com ». Il s’agit en l’espèce de l’utilisation d’un terme générique à titre de nom de domaine. Après le succès commercial de ce site internet, des entreprises concurrentes ont voulu utiliser ces termes qu’elles considèrent être des termes génériques, pour présenter leurs produits ou services. La société « vente-privée.com » s’est alors opposée à cette utilisation en revendiquant le caractère notoire de sa marque.
Dès lors qu’un signe acquiert une notoriété son titulaire peut prétendre à une protection. La protection sera accordée à la demande du commerçant, par l’INPI ou un tribunal, si la marque est largement connue par une fraction du public et notamment si le titulaire a développé d’importants efforts publicitaires pour se faire connaitre du public.
Le succès commercial de « vente-privée.com » ainsi qu’une publicité intense (4 millions d’euros de frais publicitaires en 2012) lui ont permis d’obtenir l’enregistrement notamment de sa marque verbale « vente-privée.com » auprès de l’INPI (marque française VENTE-PRIVEE.COM déposée le 16 janvier 2009 et enregistrée sous le n° 09/3.623.085).
Cet enregistrement de sa marque lui permet désormais d’agir en contrefaçon en cas d’atteinte à ses droits d’exploitation (CA de Paris, 30 mai 2013- vente-privée.com c/ Showroomprive.com).
Par ailleurs, ayant enregistré la marque internationale mixte VENTE-PRIVEE (déposée le 23 février 2012, enregistrée sous le n° 1.116.436. et couvrant notamment l’Australie, la Suisse, la Chine, l’Algérie, l’Egypte, le Japon, la République de Corée et la Turquie), la société vente-privée.com a pu obtenir le 13 juin 2013 une décision favorable de la Commission administrative de l’Office mondiale de la propriété intellectuelle à l’occasion de la découverte de la réservation et de l’exploitation, par des sociétés coréenne et australienne, du nom de domaine litigieux . L’OMPI a ainsi ordonné le transfert du nom de domaine litigieux à la société française « vente-privée.com ».