La CJUE remet en cause l'opposabilité des CGV par un lien hypertexte

E-commerce 4629 Vues

Quelles sont les conditions de validité de l'acceptation des conditions générales de vente ? La présence d'un lien hypertexte suffit-elle ? La CJUE a rendu plusieurs décisions venant préciser cela.
La CJUE remet en cause l'opposabilité des CGV par un lien hypertexte

L’objectif principal de l’Union Européenne a été, dès sa fondation dans les années 50, la création d’un grand marché européen. Pari très difficile à tenir en raison de la divergence des économies politiques des Etats membres. Pour y parvenir il était donc nécessaire de tendre vers une interpénétration des économies respectives des Etats, d’instaurer un droit de la concurrence et un niveau de protection des consommateurs satisfaisant.

Les institutions européennes visent aujourd’hui à l’instauration d’un marché unique numérique dynamique. Pour cela, elles doivent susciter la confiance des consommateurs dans le commerce électronique. Elles sont aussi tenues d’ouvrir ce marché au plus grand nombre de consommateurs européens. Le succès de ces politiques passe par le renforcement du droit de la concurrence, de sorte que les consommateurs puissent conclure des contrats à des conditions équivalentes dans chacun des Etats membre de l’Union.

Les institutions européennes, y compris la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), conjuguent donc leurs efforts pour promouvoir un droit de la consommation qui soit véritablement protecteur et ce dans la visée du grand marché unique. Pour ce faire, plusieurs directives ont été prises par les instances européennes depuis 1997, date de la 1re directive sur le commerce à distance, suivie par celle du 8 juin 2000 consacrée au commerce électronique. Enfin une directive du 25 octobre 2011 vient reprendre l’ensemble de ces textes existants sur la protection du consommateur (en les abrogeant) pour établir un nouveau droit de la consommation qui semble-t-il est plus protecteur des intérêts du consommateur.

Les décisions rendues ces dernières années par la CJUE sont indiscutablement orientées vers une protection accrue des consommateurs-internautes. Ainsi, la Cour impose aux e-commerçants  des obligations plus strictes en matière de conditions générales de vente, notamment en ce qui concerne le droit de rétractation et l’accessibilité par le consommateur aux informations en ligne dues par le cybermarchand.

Remise en cause du lien hypertexte et exigence d’un support durable

La jurisprudence de la CJUE est allée plus loin encore dans la réglementation des conditions générales de vente des cybercommerçants. En effet, par un arrêt en date du 5 juillet 2012, aff. 49/11, 3e ch., Content Services Ltd, elle est venue mettre en cause la pratique du lien hypertexte destiné à informer le consommateur sur ses droits et obligations. Habituellement, tous les sites de commerce en ligne disposent d’un lien hypertexte sur lequel le consommateur doit cliquer pour prendre connaissance des conditions générales de vente et autres informations sur la transaction. Les tribunaux français ont toujours reconnu la légalité de cette pratique e-commerciale, conforme à l’article L224-27 du Code de la consommation consacré aux obligations d’informations du cybercommerçant (article 5, § 1 de la directive du 20 mai 1997) : cour d’appel de Paris, 25 novembre 2010 (société promovacances.fr).

Seulement, l’arrêt du 5 juillet 2012 vient préciser que la pratique du lien hypertexte ne satisfait pas aux exigences de ces dispositions dès lors que les informations ne sont ni « fournies » par le site de l’entreprise ni « reçues » par le consommateur et que par ailleurs, le procédé de mise à disposition des informations ne peut pas être considéré comme un « support durable ».

Selon la Cour, les termes « fournir » et « recevoir » impliquent que le consommateur doit disposer des informations essentielles sans qu’il soit besoin de cliquer sur le lien hypertexte. Le terme de recevoir signifie que c’est le site qui doit mettre les informations contractuelles à la disposition du consommateur, et non à celui-ci à les quérir. De plus, lorsque le consommateur clique sur le lien, il est renvoyé à une autre page internet, ce qui amoindrit la notion de « fourniture » de l’information par le site internet même.

La conséquence de cette jurisprudence pour les sites e-commerçants est que désormais les consommateurs seront tentés, pour échapper aux conditions générales de vente, d’invoquer le fait qu’ils n’ont pris connaissance de ces conditions que par un lien hypertexte, lequel est désormais insuffisant à caractériser la fourniture et la réception des informations contractuelles.

Enfin, l’autre aspect de cette décision du 5 juillet 2012 concerne le support durable sur lequel le cybercommerçant doit mettre les informations contractuelles à la disposition du consommateur. Les articles 5, § 1 de la directive du 20 mai 1997 et L.121-19 du Code de la consommation disposent à ce sujet que :

Le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison l’ensemble des informations contractuelles.

Or, selon l’interprétation de la Cour, cette exigence n’est pas respectée par le site internet qui ne permet de stocker ces informations que sur le site même. Le site internet n’est pas un support durable, en ce sens qu’il n’offre pas au consommateur de garantie suffisante en cas de litige ultérieur contre toute altération de son contenu.

En pratique, le cybercommerçant devra désormais remettre au consommateur soit un écrit récapitulant l’ensemble des informations contractuelles, soit lui permettre d’enregistrer ces informations sur tout support numérique tels que disque dur de l’ordinateur, clés USB, CD-Rom ou plus simplement lui adresser un e-mail comprenant la totalité des informations contractuelles. C’est précisément ce que prévoit la directive du 25 octobre 2011 qui n’entrera en vigueur qu’en 2014.

Enfin, il y a lieu de préciser que cette décision de 2012 qui vient « condamner » la pratique commerciale des liens hypertextes, ne semble pas remettre en cause la procédure de la case à cocher qui vaut acceptation des conditions générales de vente.

Qui a la charge des frais d’expédition en cas de rétractation ?

En matière de vente en ligne, il est établi que le consommateur dispose d’un droit de rétractation au cas où l’objet réceptionné ne lui conviendrait pas. Il est aussi admis qu’aucun frais de retour ne doit être mis à sa charge. Ainsi en a décidé la CJUE dans une décision Heine du 15 avril 2010, aff. C-511/08.

Il est précisé dans cette décision que l’internaute qui exerce son droit de rétractation ne saurait être débiteur des frais d’expédition initiaux. Le consommateur ne peut donc supporter que les frais de renvois des marchandises au fournisseur. La conséquence est qu’il appartient au  fournisseur, qui devient alors débiteur, de rembourser le consommateur des frais d’expédition initialement acquittés. Le cybercommerçant n’est donc plus autorisé à inscrire dans ses conditions générales de vente une clause selon laquelle c’est au client à prendre en charge les frais d’expédition initiaux lorsque celui-ci exerce sa faculté de rétractation.

 
Obtenez un devis en 24 heures par nos avocats
Prestation demandée :
Pays ou organisation :
Type de contrat :
Votre besoin :
Votre besoin :
Votre besoin :
Vos informations :

* : champs obligatoires

Lectures en lien
Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 6706 Vues

Les conditions générales de vente servent à définir les règles de la relation client/acheteur. Toutefois, lorsque dans le cadre de l'e-commerce international un litige survient, quelle juridiction est compétente ?

un homme utilisant sa tablette pour surfer sur internet
Ecommerce 6154 Vues

L'achat à distance consiste à acheter un bien ou une prestation de services sur internet, par catalogue, téléphone, téléachat, publipostage, SMS... Les contrats portant sur les achats à distance sont réglementés.

Homme se tenant sur le pas de porte
Ecommerce 10953 Vues

Le démarchage à domicile consiste à solliciter le consommateur afin de lui faire souscrire un contrat. Dans bien des cas, le consommateur est en situation d’infériorité par rapport au vendeur, et cela peut le conduire à une commande qu’il regrettera peut être.

Livraison d'un colis
Ecommerce 11402 Vues

Quel est le délai de livraison légal à respecter ? Que faire en cas de retard/dépassement du délai de livraison ? Comment engager la responsabilité du commerçant ?

Des colis entassés dans une camionnette
Ecommerce 4732 Vues

La garantie de conformité ainsi que la garantie des vices cachés, sont des garanties dites d'ordre public qui visent à protéger les consommateurs.

Un homme réalisant des achats sur Internet
Ecommerce 10246 Vues

Quelles sont les conditions de validation et l'opposabilité des conditions générales de vente (CGV) d'un site e-commerce via la case à cocher et le clic de validation ?

Photo prise au travers de carreaux de lunettes
Ecommerce 6743 Vues

Quelles contraintes juridiques pour la vente de lunettes et lentilles sur internet ? De la tolérance dans le cadre de la vente à distance à l'autorisation officielle : suivi de l'évolution législative.

Une femme au téléphone
Ecommerce 5575 Vues

Aspects juridiques des commandes par téléphone, ou à distance, sans validation préalable des conditions générales de vente et opposabilité de ces CGV.

Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 4326 Vues

Une décision de la CJUE sur l'opposabilité des CGV concernant les sites e-commerce est venue condamner la France. En cause : le support de transmission des CGV qui doit être "durable".

Un tribunal prit en contre-plongée
Ecommerce 9258 Vues

Comment déterminer la juridiction compétente en matière d'e-commerce à l’international ? Quelles spécificités en Union Européenne et dans le monde ? Les notions de vente passive et vente active sont à prendre en compte.

Magasin avec un panneau promotionnel intitulé "special deal"
Ecommerce 45292 Vues

Un commerçant est-il en droit de refuser une vente à un consommateur ? Un bar peut-il refuser de servir un client ? En principe, oui, au nom de la liberté contractuelle du commerçant. Cependant, celui-ci doit avoir un motif légitime de refuser la vente sous peine de sanctions.

Des colis entassés dans une camionnette
Ecommerce 13207 Vues

En matière de vente à distance et notamment d'e-commerce, un droit de rétractation de 14 jours est accordé au consommateur. Il lui permet de se rétracter de son achat sans avoir à justifier de motifs ni payer de pénalités. Attention néanmoins, il existe des exceptions.

Téléphone avec vue sur le magasin d'applications
Ecommerce 5993 Vues

Quelles sont les contraintes juridiques pour distribuer une application mobile sur le Google Play Store ou l'App Store d'Apple ? Quelle rémunération pour les éditeurs ?

Soleil couchant prit d'un hublot d'avion duquel on voit l'aile
Ecommerce 17996 Vues

Le droit de rétractation de 14 jours en matière de vente à distance reçoit une exception dans le cadre d’une offre de vente de voyage sur internet. Cependant, afin de protéger le consommateur, des clauses jugées abusives sont interdites et le commerçant est responsable de plein droit en cas de préjudice ou d'inexécution du contrat.

Microscope dans un laboratoire, illustrant le dépôt de brevet
Ecommerce 4083 Vues

La vente en ligne de médicaments est strictement régie par la loi. Découvrez les aspects juridiques de la vente de médicaments sur internet par les pharmacies : limites, conditions et responsabilités.

une personne construisant quelque chose dans son établi
Ecommerce 11241 Vues

Quelle est la responsabilité du vendeur qui fabrique lui-même ses produits et les vend via son site internet ou son magasin ? Quelles obligations doivent être respectées ?

Livraison d'un colis
Ecommerce 10199 Vues

Quel est le statut du dropshipping en France, quelle est la loi qui s'applique ? La responsabilité pèse t-elle sur le vendeur ou sur le fournisseur, notamment en cas de vices cachés ou de produits défectueux ?

Des mains remplies de billets
Ecommerce 2867 Vues

Aspects juridiques de la rémunération des particuliers sur internet (e-commerce, revenus publicitaires, plateforme de rémunération...). Quelles sont les contraintes liées à la rémunération des particuliers sur internet ?

Un tribunal prit en contre-plongée
Ecommerce 3943 Vues

La directive européenne sur l'e-commerce et ses conséquences sur les CGV des e-commerçants français : droit de rétractation, information du consommateur, livraison et retour des produits.

Marteau de président, utilisé dans les tribunaux
Ecommerce 14170 Vues

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), transpose la directive européenne sur le commerce électronique et pose ainsi un cadre à cette activité. Cette loi crée donc un droit général de l'internet.

une personne regardant son téléphone
Ecommerce 3552 Vues

Comment réagir en cas de publication par les visiteurs de contenus diffamatoires ou dénigrants sur un site internet? Comment se protéger en tant qu'e-commerçant ? La recherche des responsabilités n'est pas toujours chose aisée.

Un tribunal prit en contre-plongée
Ecommerce 3812 Vues

Quelles contraintes pèsent sur les commerçants depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite Châtel ? Droit de rétractation, modalités de contact et information du consommateur.

Une femme au téléphone
Ecommerce 11599 Vues

La vente par téléphone fait partie intégrante des ventes à distance et, de ce fait, impose des contraintes particulières aux commerçants, notamment au niveau du droit de rétractation.

des livres dans une bibliothèque
Ecommerce 5247 Vues

La vente par internet fait partie intégrante des ventes à distance et, de ce fait, impose des contraintes particulières aux commerçants, notamment au niveau du droit de rétractation. La vente de livres n'y échappe pas.

Un homme réalisant des achats sur Internet
Ecommerce 6967 Vues

Les contrats conclus sur internet accordent au consommateur un droit de rétractation. Ce droit permet au consommateur de renvoyer le produit, sans avoir à régler d'indemnités, sans avoir à présenter de motifs, 14 jours après la réception du produit.

photo en noir et blanc de quelqu'un tapant au clavier de son MacBook
Ecommerce 12576 Vues

Qu'est-ce qu'un contrat de vente en ligne, qui se matérialise le plus souvent sous la forme de conditions générales de vente ? Comment est-il formé ? Quelles sont ses spécificités ?

une personne tapant au clavier de son ordinateur portable
Ecommerce 9384 Vues

Tout professionnel vendant des biens ou des services, que ce soit à destination de professionnels ou de consommateurs, doit se munir de conditions générales de vente (CGV). En l'absence de ces CGV, il s'expose à une sanction administrative.

une personne navigant sur Internet sur sa tablette
Ecommerce 6518 Vues

Parfois obligatoires, selon l’activité d’un site internet, les CGU ou conditions générales d’utilisation sont essentielles pour l’éditeur d’un site internet, quel qu’il soit. Elles ont pour fonction principale de régir les rapports entre l'éditeur et l'internaute ainsi que de prévenir éventuels conflits qui pourraient survenir.

statue d'une femme aux yeux bandés, avec une balance et une épée, symbolisant la Justice
Ecommerce 8016 Vues

Tout site internet doit faire figurer un certain nombre de mentions légales nécessaires à l'information du public afin d'être en conformité avec la loi, ce qu'ils soient édités à titre professionnel ou non-professionnel. En cas de non-respect, l'éditeur du site internet s'expose à des sanctions.

panneau sur lequel il est écrit "e-commerce"
Ecommerce 12063 Vues

Face à la multiplication des produits et des services dans notre société de consommation, il paraît essentiel de se démarquer grâce à une méthode de vente adaptée. Toutefois, il convient d’être prudent puisque plusieurs méthodes de vente sont illicites, tandis que d’autres sont soumises à des réglementations drastiques. 

Ecommerce 837 Vues

L’intelligence artificielle désignée par l’acronyme « IA » devient aujourd’hui une technologie clé pour l’avenir. Toutefois, il reste à comprendre ce que l’on entend exactement par intelligence artificielle, mais également comment celle-ci affecte notre quotidien.