L’objectif principal de l’Union Européenne a été, dès sa fondation dans les années 50, la création d’un grand marché européen. Pari très difficile à tenir en raison de la divergence des économies politiques des Etats membres. Pour y parvenir il était donc nécessaire de tendre vers une interpénétration des économies respectives des Etats, d’instaurer un droit de la concurrence et un niveau de protection des consommateurs satisfaisant.
Les institutions européennes visent aujourd’hui à l’instauration d’un marché unique numérique dynamique. Pour cela, elles doivent susciter la confiance des consommateurs dans le commerce électronique. Elles sont aussi tenues d’ouvrir ce marché au plus grand nombre de consommateurs européens. Le succès de ces politiques passe par le renforcement du droit de la concurrence, de sorte que les consommateurs puissent conclure des contrats à des conditions équivalentes dans chacun des Etats membre de l’Union.
Les institutions européennes, y compris la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), conjuguent donc leurs efforts pour promouvoir un droit de la consommation qui soit véritablement protecteur et ce dans la visée du grand marché unique. Pour ce faire, plusieurs directives ont été prises par les instances européennes depuis 1997, date de la 1re directive sur le commerce à distance, suivie par celle du 8 juin 2000 consacrée au commerce électronique. Enfin une directive du 25 octobre 2011 vient reprendre l’ensemble de ces textes existants sur la protection du consommateur (en les abrogeant) pour établir un nouveau droit de la consommation qui semble-t-il est plus protecteur des intérêts du consommateur.
Les décisions rendues ces dernières années par la CJUE sont indiscutablement orientées vers une protection accrue des consommateurs-internautes. Ainsi, la Cour impose aux e-commerçants des obligations plus strictes en matière de conditions générales de vente, notamment en ce qui concerne le droit de rétractation et l’accessibilité par le consommateur aux informations en ligne dues par le cybermarchand.
Remise en cause du lien hypertexte et exigence d’un support durable
La jurisprudence de la CJUE est allée plus loin encore dans la réglementation des conditions générales de vente des cybercommerçants. En effet, par un arrêt en date du 5 juillet 2012, aff. 49/11, 3e ch., Content Services Ltd, elle est venue mettre en cause la pratique du lien hypertexte destiné à informer le consommateur sur ses droits et obligations. Habituellement, tous les sites de commerce en ligne disposent d’un lien hypertexte sur lequel le consommateur doit cliquer pour prendre connaissance des conditions générales de vente et autres informations sur la transaction. Les tribunaux français ont toujours reconnu la légalité de cette pratique e-commerciale, conforme à l’article L224-27 du Code de la consommation consacré aux obligations d’informations du cybercommerçant (article 5, § 1 de la directive du 20 mai 1997) : cour d’appel de Paris, 25 novembre 2010 (société promovacances.fr).
Seulement, l’arrêt du 5 juillet 2012 vient préciser que la pratique du lien hypertexte ne satisfait pas aux exigences de ces dispositions dès lors que les informations ne sont ni « fournies » par le site de l’entreprise ni « reçues » par le consommateur et que par ailleurs, le procédé de mise à disposition des informations ne peut pas être considéré comme un « support durable ».
Selon la Cour, les termes « fournir » et « recevoir » impliquent que le consommateur doit disposer des informations essentielles sans qu’il soit besoin de cliquer sur le lien hypertexte. Le terme de recevoir signifie que c’est le site qui doit mettre les informations contractuelles à la disposition du consommateur, et non à celui-ci à les quérir. De plus, lorsque le consommateur clique sur le lien, il est renvoyé à une autre page internet, ce qui amoindrit la notion de « fourniture » de l’information par le site internet même.
La conséquence de cette jurisprudence pour les sites e-commerçants est que désormais les consommateurs seront tentés, pour échapper aux conditions générales de vente, d’invoquer le fait qu’ils n’ont pris connaissance de ces conditions que par un lien hypertexte, lequel est désormais insuffisant à caractériser la fourniture et la réception des informations contractuelles.
Enfin, l’autre aspect de cette décision du 5 juillet 2012 concerne le support durable sur lequel le cybercommerçant doit mettre les informations contractuelles à la disposition du consommateur. Les articles 5, § 1 de la directive du 20 mai 1997 et L.121-19 du Code de la consommation disposent à ce sujet que :
Le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison l’ensemble des informations contractuelles.
Or, selon l’interprétation de la Cour, cette exigence n’est pas respectée par le site internet qui ne permet de stocker ces informations que sur le site même. Le site internet n’est pas un support durable, en ce sens qu’il n’offre pas au consommateur de garantie suffisante en cas de litige ultérieur contre toute altération de son contenu.
En pratique, le cybercommerçant devra désormais remettre au consommateur soit un écrit récapitulant l’ensemble des informations contractuelles, soit lui permettre d’enregistrer ces informations sur tout support numérique tels que disque dur de l’ordinateur, clés USB, CD-Rom ou plus simplement lui adresser un e-mail comprenant la totalité des informations contractuelles. C’est précisément ce que prévoit la directive du 25 octobre 2011 qui n’entrera en vigueur qu’en 2014.
Enfin, il y a lieu de préciser que cette décision de 2012 qui vient « condamner » la pratique commerciale des liens hypertextes, ne semble pas remettre en cause la procédure de la case à cocher qui vaut acceptation des conditions générales de vente.
Qui a la charge des frais d’expédition en cas de rétractation ?
En matière de vente en ligne, il est établi que le consommateur dispose d’un droit de rétractation au cas où l’objet réceptionné ne lui conviendrait pas. Il est aussi admis qu’aucun frais de retour ne doit être mis à sa charge. Ainsi en a décidé la CJUE dans une décision Heine du 15 avril 2010, aff. C-511/08.
Il est précisé dans cette décision que l’internaute qui exerce son droit de rétractation ne saurait être débiteur des frais d’expédition initiaux. Le consommateur ne peut donc supporter que les frais de renvois des marchandises au fournisseur. La conséquence est qu’il appartient au fournisseur, qui devient alors débiteur, de rembourser le consommateur des frais d’expédition initialement acquittés. Le cybercommerçant n’est donc plus autorisé à inscrire dans ses conditions générales de vente une clause selon laquelle c’est au client à prendre en charge les frais d’expédition initiaux lorsque celui-ci exerce sa faculté de rétractation.