L’e-réputation, un incontournable de nos jours
Dans l’ère du numérique, internet est devenu l’un des canaux les plus utilisés par la clientèle pour l’aide à la décision d’achat. Aujourd’hui, le réflexe de chacun est de rechercher sur internet des informations sur l'entreprise. La notoriété en ligne ou l’image véhiculée par une entreprise ou bien une marque, sur le web est donc devenue très importante.
Selon l’Institut Français de l’Opinion Publique, 80% des Internautes ont recours à Internet pour se renseigner avant d’effectuer un achat, 88% consultent des avis de consommateurs, des forums ou des blogs. Pour les achats sur Internet, 85% estiment que des avis négatifs de consommateurs peuvent les faire changer d’avis.
Les atteintes à l'e-réputation font régulièrement la une de la presse. D’où l’importance pour les entreprises de soigner leur e-réputation et de savoir comment réagir face aux avis pouvant ternir leur réputation pour éviter "le mauvais buzz".
Qu’est-ce que le dénigrement sur internet ?
La jurisprudence retient la définition suivante :
Le dénigrement consiste à porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d’arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l’entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l’auteur.
Il peut donc y avoir dénigrement sans l’existence d’une situation de concurrence.
Le dénigrement peut également être défini comme :
L'allégation de nature à jeter, dans l'esprit de la clientèle, le discrédit sur le concurrent, son entreprise, ses produits ou ses prestations.
Il s’agit d’un acte qui a pour but de discréditer une entreprise et de ruiner sa réputation. C'est un usage fautif de la liberté d'expression au sens de l'article 1382 du Code civil.
Il peut toutefois arriver que le dénigrement soit court-circuité par la liberté d’expression.
Constituant l'un des fondements d'une société démocratique, elle est définie par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui dispose que :
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
Par un arrêt datant de juillet 2018, la Première Chambre Civile de la Cour de cassation a intégré à son raisonnement le droit à la liberté d’expression et a donc nuancé l’application par principe du dénigrement au profit du droit à la liberté d’expression. Les juges mettent aujourd’hui en place un contrôle de la proportionnalité de l’atteinte à la liberté d’expression pour retenir ou non la qualification de dénigrement.
Dans notre société, le dénigrement est un mal répandu. Jusqu’à il y a peu de temps, il était principalement diffusé à travers des modes de communication traditionnels comme l’écrit papier, la télévision ou bien encore les affiches de publicité. Toutefois, la forme la plus utilisée aujourd’hui est le dénigrement sur internet. Le développement des nouvelles technologies a permis le développement de nouveaux moyens de communication et donc le développement de nouveaux moyens de dénigrement.
Il peut par exemple se faire à travers des commentaires ou avis laissés, des articles publiés sur des sites ou des blogs, des messages publiés sur les réseaux sociaux ou encore des appels aux boycotts.
Quelle différence entre le dénigrement sur internet et la diffamation ?
Par sa décision du 25 mars 2009, l’Autorité de la concurrence a précisé que le dénigrement se distinguait de la diffamation car il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en pénalisant son compétiteur. Au contraire, si les propos en question ne visent pas une entreprise mais une personne physique, alors il s’agit de diffamation.
La qualification du dénigrement sur internet
Les propos doivent être péjoratifs
Le dénigrement vise à dévaloriser, détruire, l’image d’une entreprise auprès de ses clients en répandant des informations malveillantes. Il peut être direct ou indirect, c'est-à-dire que les propos peuvent critiquer ouvertement l’entreprise ou bien les messages peuvent être sous-entendus.
La frontière est parfois difficile à cerner entre un message dénigrant et un message publicitaire, dont le but est également de détourner des clients. La différence est que le dénigrement vise à tirer profit de la critique tandis que via la publicité, la mise en avant de ses propres qualités est recherchée.
Il peut ainsi s’agir de propos critiquant la qualité des produits, le montant des prix, le sérieux de l’entreprise ou bien encore sa santé financière.
Le dénigrement doit être public
Pour pouvoir être sanctionné le dénigrement doit être public.
Ainsi, si les propos sont publiés sur un site d’avis de consommateur, ceux-ci sont donc considérés comme étant publics. Au contraire, s’ils le sont sur un réseau intranet accessible à un nombre restreint de personnes, alors le dénigrement n’est pas considéré comme étant public et ne peut donc pas être qualifié.
Les propos doivent viser une entreprise
Ils doivent permettre d’identifier clairement une entreprise, sa marque ou bien ses produits. Les propos peuvent toutefois viser n’importe quel aspect de l’entreprise.
Le dénigrement peut dès lors être dirigé contre le produit lui-même et ses effets négatifs, les pratiques commerciales de l’entreprise ou bien encore contre le fabricant d’un produit.
Notez que dire la vérité n’empêche pas le dénigrement. En effet, peu importe que l’information soit vraie ou non, le dénigrement peut être qualifié si l’information divulguée est de nature à nuire. L’auteur des faits ne peut donc pas s’exonérer de sa responsabilité en démontrant l’exactitude des faits.
Comment réagir face à un dénigrement sur internet ?
Dans un premier temps, vous devez réunir toutes les preuves du dénigrement. Pour cela, vous pouvez par exemple enregistrer l’URL des publications, faire des captures d’écran et faire appel à un huissier afin qu’il dresse un constat de dénigrement sur internet. Vous pouvez également solliciter la présence d’un expert pour qu’il puisse identifier l’adresse IP de l’auteur des propos litigieux.
Il est important d’agir vite, car il est possible qu’il s’empresse de supprimer toute trace une fois qu’il apprendra votre potentielle action en justice. En effet, il n'est pas rare que l’auteur des propos se ravise.
De plus, il faut dire qu’aujourd’hui, il est facile d’effacer du contenu en ligne. Si vous ne réagissez pas à temps, il vous sera impossible de constituer des preuves et donc de prouver que vous avez été victime de dénigrement.
Puis, il est important de faire usage de votre droit de réponse pour faire connaître votre point de vue.
L’article 6-IV de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN dispose que :
Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d'un droit de réponse (…) Les conditions d'insertion de la réponse sont celles prévues par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881.
Le délai pour exercer ce droit est de 3 mois à compter de la diffusion. Aucun formalisme n’est imposé, le rédacteur du droit de réponse est maître du contenu.
Ensuite, vous devez faire disparaître les propos constituant le dénigrement. De manière générale, il est suffisant de demander auprès de la plateforme où figurent les propos litigieux leur retrait. Il n’est donc pas toujours indispensable de saisir les juridictions.
Si la voie amiable ne permet pas de résoudre le problème, une action en justice peut être intentée. Vous devez alors saisir la juridiction compétente en urgence.
Si besoin, en plus du retrait du contenu litigieux, vous pouvez solliciter la publication de la condamnation dans un ou plusieurs journaux afin de rétablir votre réputation auprès de votre clientèle.
Les sanctions encourues par l’auteur des propos
Pour être engagée, l’action civile doit être basée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. L'entreprise dénigrée doit donc prouver :
- Son préjudice personnel, direct et certain
- L'existence du dénigrement, constitutif d'une faute
- Le lien de causalité entre la faute et le préjudice
Si le dénigrement est avéré, son auteur s’expose à des dommages et intérêts afin de dédommager le préjudice subi par la victime comme la perte de sa clientèle ou l’atteinte à l’image de la marque. Leur montant est fixé en fonction de l’ampleur de préjudice, ils peuvent s’élever à plusieurs milliers d’euros.