L’essor des crypto-actifs a fait émerger une nouvelle catégorie d’actifs numériques : les stablecoins. Présentés comme une alternative plus stable aux cryptomonnaies traditionnelles, ils soulèvent autant d’espoirs que de questions, notamment en matière de régulation. Entre innovation technologique et impératif de sécurité, les États et les autorités de contrôle tentent d’encadrer ce dispositif.
Stablecoins : un trait d’union entre deux mondes
Les stablecoins sont des actifs numériques adossés à des valeurs stables, le plus souvent à des monnaies fiduciaires (dollar, euro) ou à des paniers d’actifs. Contrairement au Bitcoin ou à l’Ethereum, leur objectif n’est pas la spéculation, mais la stabilité des prix.
Ils permettent des transactions rapides, peu coûteuses et sans les fortes fluctuations qui freinent encore l’adoption massive des autres cryptomonnaies.
Ils répondent à un double besoin : celui des utilisateurs de cryptos en quête de stabilité, et celui des acteurs financiers traditionnels souhaitant découvrir la blockchain sans s’exposer à une trop forte volatilité.
Les stablecoins peuvent être :
- centralisés (gérés par une entité unique comme Tether ou Circle) ;
- décentralisés (reposant sur des protocoles automatisés comme DAI) ;
- algorithmiques (ajustant leur offre automatiquement pour maintenir leur parité).
Mais quelle que soit leur architecture, ils posent tous des questions en matière de transparence, de sécurité et de responsabilité.
Un encadrement devenu indispensable
L’absence de régulation claire autour des stablecoins a longtemps permis une croissance rapide du secteur, mais elle a aussi ouvert la porte à de nombreux risques : manque de garantie, problèmes de liquidité, utilisations frauduleuses, et surtout risques systémiques en cas de perte de confiance.
L’épisode du stablecoin algorithmique TerraUSD (UST), qui a perdu sa parité avec le dollar en 2022, a marqué un tournant. L’effondrement du projet a démontré que même les stablecoins dits « stables » peuvent déstabiliser l’écosystème tout entier.
Les autorités monétaires et les régulateurs ne pouvaient plus ignorer ce phénomène. Dans ce contexte, plusieurs initiatives réglementaires ont vu le jour, à commencer par MiCA (Markets in Crypto-Assets), le règlement européen adopté en 2023, qui encadre les stablecoins émis ou utilisés dans l’UE.
MiCA : un premier cadre structurant
Le règlement MiCA fait figure de référence mondiale en matière de régulation des crypto-actifs. Concernant les stablecoins, il distingue deux catégories principales :
- les tokens de monnaie électronique (e-money tokens), adossés à une seule monnaie fiduciaire ;
- les tokens de jetons référencés à des actifs (asset-referenced tokens), adossés à un panier de devises, de matières premières ou d’autres actifs.
MiCA impose à ces émetteurs des obligations strictes : agrément préalable auprès d’une autorité de supervision, publication d’un livre blanc, exigences de transparence sur les réserves, mécanismes de rachat, protection des fonds des utilisateurs, etc.
L’objectif est clair : protéger les consommateurs, préserver la stabilité financière et favoriser l’innovation responsable. Le règlement vise aussi à créer un marché unique européen des crypto-actifs, avec des règles harmonisées entre États membres.
Une approche mondiale encore hétérogène
Si l’Europe a pris de l’avance avec MiCA, la régulation des stablecoins reste encore très fragmentée au niveau international.
Aux États-Unis, plusieurs projets de loi sont en discussion, notamment pour imposer des exigences de réserves obligatoires et renforcer les pouvoirs de surveillance de la FED sur les émetteurs de stablecoins libellés en dollar.
En Asie, des pays comme Singapour ou le Japon ont déjà intégré les stablecoins dans leurs dispositifs réglementaires, tandis que d’autres (comme la Chine) interdisent toute circulation de stablecoins privés, préférant promouvoir leur propre monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
Le FMI, le G20 et le Conseil de stabilité financière (FSB) appellent à une coordination internationale, face à un phénomène global qui dépasse les frontières.
Quel avenir pour les stablecoins ?
La régulation des stablecoins n’a pas pour objectif de freiner leur essor, mais de fixer des règles pour prévenir les dérives. S’ils sont bien régulés, ils pourraient gagner la confiance des utilisateurs comme des institutions financières.
À terme, les stablecoins pourraient jouer un rôle majeur dans la finance décentralisée (DeFi), faciliter les paiements transfrontaliers ou encore servir d’infrastructures de paiement pour les grandes plateformes numériques.
Pour atteindre ce potentiel, ils devront renforcer leur transparence, leur sécurité et leur conformité réglementaire. Cela passera aussi par une coopération étroite entre émetteurs, régulateurs, banques centrales et acteurs technologiques.
Les stablecoins redessinent les frontières de la finance. Bien encadrés, ils ont le potentiel de transformer les échanges et les paiements à l’échelle mondiale. Avec MiCA en Europe et des initiatives qui se multiplient aux quatre coins du globe, la révolution est en marche.