1/ La cessation de paiements : critère déterminant pour l’entreprise
La notion de cessation de paiements joue un rôle important dans le cadre des procédures collectives. Si au jour du jugement d’ouverture l’entreprise n’est pas en cessation de paiements, elle est éligible au bénéfice d’une procédure de sauvegarde. Dans le cas contraire, ce sera, selon les difficultés, une procédure de redressement ou de liquidation qui pourra être ouverte.
A/ L’absence de cessation de paiements : critère déterminant de la procédure de sauvegarde
La procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Cette procédure n’est ouverte qu’aux entreprises qui, sans être en cessation de paiements, éprouvent des difficultés qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter sans l’aide de la justice.
Toutes les difficultés peuvent être prises en compte pour une procédure de sauvegarde judiciaire (économique, juridique, ...). Dans l’arrêt du 8 mars 2011, Cœur de Défense, la Cour de cassation précise que même des difficultés qui n’ont pas de conséquences sur la poursuite de l’activité de l’entreprise peuvent fonder une demande de sauvegarde. Dès lors, sauf cas de fraude, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur et il n’appartient pas au juge d’apprécier la légitimité de sa demande. Il appartient simplement au débiteur d’établir les raisons, dans sa demande d’ouverture, pour lesquelles il se trouve dans l’incapacité de trouver une solution, sans intervention judiciaire.
B/ La cessation de paiements : critère déterminant de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
L’ouverture de la procédure de redressement sans cessation de paiements n’est possible que si le débiteur fait déjà l’objet d’une procédure de sauvegarde. En dehors de cette exception, l’ouverture ab initio d’une procédure de redressement judiciaire sans cessation de paiements est impossible.
Une entreprise est en état de cessation de paiements lorsqu’il lui est impossible de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible. La preuve de l’état de cessation de paiements incombe à celui qui demande l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Attention toutefois, le défaut de paiements d’une seule créance ne suffit pas à établir l’existence d’un état de cessation de paiements. L’existence de la cessation de paiements est appréciée au jour où la juridiction statut ; celle-ci en fixe alors la date. Lorsque le débiteur a bénéficié d’une procédure de conciliation avant de faire l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation, il est prévu que la date de cessation de paiements ne peut être portée à une date antérieure à la décision ayant homologuée l’accord de conciliation.
2/ La sauvegarde de justice et le redressement judiciaire
Les procédures de sauvegarde et de redressement commencent par une période d’observation au cours de laquelle sont apprécié la viabilité de l’entreprise ainsi que ces possibilités de redressement. Cette période d’observation a vocation à déboucher sur l’adoption d’un plan (plan de sauvegarde ou plan de redressement). Cette phase de préparation conduit à l’élaboration d’un bilan économique et social de l’entreprise, et à la consultation des créanciers.
Le bilan économique et social a pour objet de préciser l’origine, l’importance et la nature des difficultés de l’entreprise. Au vu du bilan, un projet de plan est alors établi.
Lors d’une procédure de sauvegarde, le plan est élaboré par l’entreprise elle-même avec le concours de l’administrateur. Lors d’une procédure de redressement, le plan est élaboré par l’administrateur, avec le concours du débiteur. Le projet de plan comprend :
- Les perspectives de redressement de l’entreprise ;
- Les modalités de règlement du passif ;
- Les garanties éventuelles que le débiteur doit souscrire pour assurer l’exécution du règlement ;
- Le niveau et les perspectives d’emplois, et le cas échéant, les éventuels licenciements ;
- Les offres éventuelles d’acquisition présentées par les tiers.
Le plan de sauvegarde ou de redressement est arrêté par la juridiction lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être redressée ou sauvegardée. La juridiction doit également s’assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés. L’adoption du plan met fin à 3 choses :
- La période d’observation ;
- La mission de l’administrateur ;
- Les restrictions au pouvoir de gestion du débiteur.
L’exécution du plan est soumise au contrôle du commissaire à l’exécution du plan.
La procédure de sauvegarde a pour but de faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Au nom de cet impératif de réorganisation, il peut être envisagé la cession d’une ou plusieurs branches de l’activité. Néanmoins, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, la cession ne peut avoir qu’un caractère exceptionnel, ne peut jamais être imposée au débiteur, et ne peut être que partielle.
Dans le cas d’une procédure de redressement, la cession peut être partielle ou totale ; elle peut en outre être imposée par le tribunal au débiteur.
3/ La liquidation judiciaire
L’ouverture d’une procédure de liquidation judicaire intervient :
- Soit parce que le sauvetage de l’entreprise est impossible : la procédure ne s’accompagnera d’aucune période d’observation.
- Soit parce que le débiteur en cessation de paiements est dans l’impossibilité de procéder au redressement de son activité : le tribunal pourra alors décider de la cession par voie de plan de toute ou partie de l’activité au profit d’un tiers repreneur.
Pour qu’une entreprise fasse l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, 2 conditions cumulatives doivent être réunies :
- Le débiteur doit être en cessation de paiements ;
- Le redressement de l’entreprise doit être manifestement impossible.
A/ Le liquidateur et ses pouvoirs
L’ouverture d’une procédure de liquidation entraine la désignation d’un liquidateur par le jugement d’ouverture, avec pour mission : de réaliser de l’actif, d’apurer le passif et de gérer l’entreprise si son activité est provisoirement maintenue. L’intervention du liquidateur est placée sous la surveillance du juge commissaire et du ministère public. Le liquidateur doit informer au moins tous les 3 mois du déroulement des opérations et présenter un rapport de liquidation.
En tant que représentant des créanciers, le liquidateur effectue la vérification des créances antérieures et établit l’ordre entre les créanciers. Il poursuit également les actions qui intéressent les créanciers et qui ont été introduites avant le jugement de liquidation. La liquidation emporte dessaisissement automatique du débiteur.
Précision : Lorsque le débiteur est une personne morale, l’ouverture de la procédure de liquidation ne met pas automatiquement un terme aux fonctions des dirigeants sociaux, mais compte tenus de la liquidation de la société, ils se trouvent privés de tous leurs pouvoirs de gestion en raison de leur dessaisissement. La liquidation met normalement fin à l’activité de l’entreprise ; toutefois, son maintien peut être organisé par le tribunal pour une durée maximale de 3 mois. Ce maintien n’est possible que dans 2 hypothèses :
- Si l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige ;
- Si la cession totale ou partielle de l’entreprise est envisageable.
Lorsque le maintien de l’activité est décidé, l’administration de l’entreprise est confiée au liquidateur, sauf cas spécifiques.
B/ Le dessaisissement du débiteur
Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur de l’administration de l’entreprise. Il s’accompagne pour le débiteur (personne physique) de l’interdiction d’exercer une activité commerciale, artisanale, ou agricole indépendante tant que la procédure de liquidation n’a pas été clôturée. Seul l’exercice d’une activité salariée lui est permis.
C/ Les opérations de liquidation
Lorsque le sauvetage de l’entreprise n’est pas envisagé, le tribunal doit ordonner la réalisation des actifs du débiteur. Cette réalisation de l’actif consiste en la vente des différents biens détenus par l’entreprise au moyen d’un plan de cession ou d’une vente aux enchères publiques. Les ventes d’immeubles ont lieu selon les formes prescrites en matière de saisie immobilière. S’agissant de la cession des biens meubles du débiteur, le juge commissaire peut soit ordonner la vente aux enchères, soit autoriser leur vente au prix et conditions qu’il détermine. A défaut de cette autorisation préalable de la vente, elle est frappée de nullité absolue.
Lorsqu’un bien est l’objet d’un gage ou d’un droit de rétention, le liquidateur peut, avec l’autorisation du juge commissaire, payer le créancier gagiste ou rétenteur afin de retirer le bien retenu en vue de sa vente.
La liquidation judicaire peut également se faire par voie de plan de cession totale ou partielle en faveur d’un tiers repreneur avec pour finalités :
- Le maintien de l’activité susceptible de devenir une activité autonome ;
- Le maintien de tout ou partie des emplois qui y sont attachés ;
- L’apurement du passif.
Dans le cas d’une procédure de liquidation, le dépôt des offres se fait auprès du liquidateur dans le délai fixé par le tribunal. Parmi les offres déposées, le tribunal doit retenir celle qui permet, dans les meilleures conditions, d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution. Lorsque la cession est totale, le plan porte sur la totalité des actifs de l’entreprise. Par ailleurs, lorsque la cession est partielle, elle doit obligatoirement porter sur un ensemble d’élément d’exploitation formant une branche complète et autonome d’activité. Dans tous les cas, les éléments d’actifs non inclus dans le plan de cession sont liquidés individuellement.
D/ La clôture de la liquidation
Le règlement du passif de l’entreprise précède la clôture de la procédure. Le règlement des créances est effectué sur le produit de la vente de l’actif de l’entreprise. Attention, est attaché un ordre de paiement en fonction des différentes créances de l’entreprise et de l’ordre établit par le liquidateur.
Le tribunal doit fixer, dans le jugement d’ouverture, le délai au terme duquel la clôture de la liquidation devra être examinée. Le tribunal prononce la clôture des opérations de liquidation lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou lorsque le liquidateur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser tous les créanciers.
Il y a clôture pour insuffisance d’actifs lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur, les actions et procédures engagées dans l’intérêt de l’entreprise ou des créanciers ne permettent plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers.
4/ Le rétablissement professionnel
La procédure de rétablissement professionnel est un dispositif mis en œuvre depuis juillet 2014 pour les entrepreneurs individuels lorsqu’ils ne parviennent plus à payer leurs dettes. Cette procédure permet un effacement de certaines dettes en évitant une procédure de liquidation judiciaire. Pour ce faire, l’entrepreneur individuel doit être en état de cessation de paiements, et son redressement doit être manifestement impossible.
Un débiteur personne physique ne doit pas :
- Avoir employé, au cours des 6 derniers mois, des salariés ;
- Avoir un actif déclaré supérieur à 5 000 euros.
Toutefois, la procédure ne peut être ouverte dans les cas suivants :
- Dès lors que l’entrepreneur individuel a affecté un patrimoine séparé à l’activité professionnelle en difficulté (EIRL).
- Dès lors que l’entrepreneur est impliqué dans une procédure prud’homale.
- Dès lors que l’entrepreneur individuel a fait l’objet, depuis moins de 5 ans, d’une procédure de liquidation judicaire clôturée pour insuffisance d’actifs ou d’une procédure de rétablissement professionnel.
Cet article clôture la trilogie d’articles consacrée au thème des entreprises en difficulté. Cette trilogie a eu pour ambition de retracer dans les grandes lignes le parcours des entreprises en difficultés ; de la prise en compte des difficultés en passant par la cessation de paiements jusqu’à la liquidation ou le redressement, les articles ballaient l’ensemble des informations importantes afin de ne pas s’y perdre. Nous vous conseillons, au-delà de ces informations de ne pas oublier de prendre attache avec des professionnels qui seront à même de vous expliquer et de décrypter votre situation afin de vous proposer les solutions les plus adéquates.